• télé et déviances culturelles

    CLIPS ET FILMS TELEVISES : PIRES QUE LES DECHETS TOXIQUES « Au Sénégal, on dirait que la danse constitue l'activité dominante ; mais pas n'importe quelles danses. Celles que l'on y pratique sont à la fois vulgaires et indécentes. Il suffit de regarder vos Télévisons pour s'en rendre compte ».Cette remarque est celle d'un étudiant américain qui a séjourné au Sénégal, et que j'ai rencontré il n'y a pas longtemps à la Florida Mémorial University. Estimant sans doute m'avoir choqué par ce constat, il ajouta ceci comme pour se racheter : « Je me suis laissé dire que sous SENGHOR, il était inimaginable de voir les danseuses de SORANO ou même celles des manifestations publiques auxquelles il assistait, se livrer à des gestes obscènes. Je suis sûr qu'il serait scandalisé par les images de vos Télévisions, s'il ressuscitait aujourd'hui ». Un réquisitoire sans doute très sévère, mais qui hélas traduit une réalité incontestable. En effet, qui oserait nier ce constat terrifiant fait par un observateur étranger, de surcroît originaire d'un pays connu pour ses libertés dans toutes leurs facettes, mais où l'on garde encore des valeurs puritaines dans la manière d'être et de se comporter ? Salvador Dali, le célèbre peintre français, disait de la télévision que ce n'est rien d'autre qu'un instrument « de crétinisation des masses ». Il suffit de regarder le programme de la plupart de nos télévisions pour mesurer toute l'effroyable vérité de tels propos. Nous sommes constamment envahis par des clips insipides, déroutants par leur ineptie, où la vulgarité le dispute à la débilité des pitres qui s'y exhibent. Quand on regarde les programmes de nos télévisions on ne peut s'empêcher de donner raison à ce psychologue qui affirmait que dans ces images impudiques, tout ce qui peut faire réagir un homme dans l'intimité de son lit conjugal est aujourd'hui banalement exposé dans la rue et à la télé. Autant dire que la tyrannie de la vulgarité imprime ses marques progressivement dans le domaine jusque là jalousement secret du privé, qui se voit ainsi dépouillé de ses valeurs et de ses mythes. Si ce ne sont les danses, ce sont ces films qui mettent en valeur de piètres acteurs, presque méconnus dans leur propre pays, avec des thèmes et des dialogues qui frisent l'idiotie où l'apologie sournoise de la banalisation de l'adultère et des relations coupables ainsi que toutes les tares sociales, suscitent bien des frissons chez les pères de famille avertis. L'objectif d'attaquer et d'enrayer tous ces phénomènes sociaux dévastateurs devrait suffire seul à bâtir une politique culturelle dans ce pays. On ne saurait créer un Sénégalais de type nouveau sur la base d'un syncrétisme dont les composantes sont elles mêmes fondées sur des mirages, des rêves qui modifient de manière fort négative notre façon de penser, de s'habiller, de se comporter dans la vie familiale, sentimentale, dans nos relations avec nos parents, les personnes âgées etc. Ces films et ces clips déchets culturels ont –il fini de planter le drapeau du renoncement sur les champs de notre pudeur traditionnelle, fondement de nos vraies valeurs culturelles et religieuses ? Comble de malheur, ceux qui nous imposent ces spectacles affligeants nous prennent à la limite pour des demeurés, nous servant le plus souvent l'argument selon lequel c'est le public qui en est friand et qui le réclame. Comme on est loin de la vérité ! C'est plutôt le public qui est formaté pour réclamer ces moyens d'autodestruction culturelle et sociale. Car, comme le rappelait tout récemment et de manière fort pertinente le sociologue Djiby Diakhaté, « les travaux de Freud ont permis de montrer que le « moi » n'est pas maître dans sa propre demeure ».Qui y a t-il de plus débile que de poser à nos enfants des questions de jeu télévisé du genre « Pourquoi Sergio n'a pas voulu accompagner Helena dans ses vacances ? ». Quelle catastrophe ! Nous sommes devenus des poubelles télévisuelles d'occident et d'Amérique du sud pour reprendre les propos du défunt khalife Général des Tidjianes, le vénéré El Hadji Abdoul Aziz Sy Dabakh (RTA), dont chacun se souvient des combats qu'il menait au quotidien contre la tyrannie sans nom de ces images indécentes qui agressent nos consciences citoyennes. En fait, ce tapage médiatique perfide agit comme le ferait un trafiquant de stupéfiant pour créer l'accoutumance chez les drogués. Voudrait-on détruire ce qui reste de nos consciences citoyennes, on ne s'y prendrait pas autrement. Le constat hélas est qu'aujourd'hui une bonne frange de notre jeunesse est désoeuvrée et bien souvent intellectuellement anesthésiée par la sournoiserie des manipulations médiatiques. Devant elle, l'avenir apparaît alors comme un gouffre amer. Des lors, que lui reste t-elle sinon le suicide mental d'abord, physique ensuite vers des mers inconnues, leur seule voie d'accéder à l'Occident, véritable miroir aux alouettes ? Quant à la femme au foyer meurtrie par l'oisiveté au quotidien, il ne lui reste plus comme dérivatif à ses angoisses, que la consommation passive de ces clips et séries , comme on le ferait d'un enfant malade pour lui imposer la prise anesthésiante de son médicament. C'est donc à un « ndeup » collectif que nos télévisions nous invitent régulièrement. Le Conseil National de Régulation de l'Audiovisuel (CNRA) devrait davantage s'impliquer dans le contrôle des programmes de Télévision. Les Associations de consommateurs de même que celles qui militent pour la défense du droit de l'enfant et de la femme devraient également jouer leur partition. Ces clips et films étant pour la plupart des supports publicitaires, c'est le lieu de s'interroger sur l'intérêt de la loi 83-20 du 28 janvier 1983 relative à la publicité, dont l'exposé des motifs rappelle de façon explicite les règles fondamentales auxquelles celle-ci doit obéir, notamment la décence, la loyauté, la protection de la personne privée des enfants et des adolescents. La publicité doit donc être saine et conforme aux us et coutumes de la société sénégalaise. Cette loi, est elle tombée en désuétude ? On ne répétera jamais assez qu'il est plus dangereux aux plans sociologique et culturel, de nous laisser envahir par certaines images de télévision, que d'admettre le dépôt de déchets toxiques sur le territoire national. Car en l'espèce, ce sont les consciences poreuses qui sont détruites au point d'effacer progressivement tous les repères culturels et moraux. Mais que font nos autorités morales et religieuses ? La plupart d'entre elles observent une prudence calculée, évitant sans doute de heurter la susceptibilité de leurs « bienfaiteurs » d'ici bas. Et pourtant, comme des sentinelles de l'éthique, Il leur revient plus que n'importe qui de défendre leurs concitoyens par rapport à toutes les formes d'agression qu'ils subissent. Il fût un temps où le Sénégalais pouvait décliner fièrement son identité : Etre Sénégalais avait une certaine signification culturelle positive. Qu'en reste t- il aujourd'hui ? Et comme pour exacerber cette descente aux enfers, un constat amer s'impose à nous quotidiennement : pour l'essentiel les parents ont démissionné. Il est temps que des voix autorisées s'élèvent pour dire Non ! Pour exiger l'arrêt de ce massacre auquel nous sommes soumis en permanence, pour dire Non à l'invite tacite à la débilité mentale. Il vaut mieux se priver de télévision que de voir tous les jours se déverser dans nos consciences des images qui insultent, tout ce que nous avons de culturellement positif, ces valeurs impérissables qui naguère encore faisaient la fierté de nos ancêtres. Tout le monde est interpellé ici : les pouvoirs publics, les enseignants, les éducateurs, les religieux imams et prêtres dans les mosquées et dans les églises, les prêcheurs des médias publics et privés mais aussi et surtout les femmes et les jeunes eux-mêmes qui en sont les principales victimes. Il y va de la responsabilité de chacun de défendre la culture, la conscience citoyenne de ce pays. A défaut nous risquons d'avoir une jeunesse sans ambition ou du moins dont la seule ambition est de devenir danseur de clips ou un Sergio ou Rubi, bon pour la galerie, modèle de ridicule et de niaiserie dans leurs habits d'emprunt, en quête d'une identité à jamais décimée. Tout cela n'étant que le résultat d'un brouillage culturel savamment entretenu par une télévision qui renvoie des signaux atrocement troublants. Le paradoxe est que ceux là qui nous influencent si négativement, qui nous refusent l'accès à leurs frontières, sont eux mêmes arrivés à un niveau de saturation, de seuil critique qui les amène à prendre le chemin inverse, en direction de notre continent, à la recherche d'une nouvelle philosophie de vie, de nouveaux paradigmes sociaux, de nouvelles normes de relations humaines qu'ils croient encore exister chez nous, malgré l'insouciance renversante qui sous-tend souvent notre ouverture mal contrôlée. Senghor nous a toujours invités à l'ouverture et à l'enracinement. Nos racines sont en train hélas de s'effriter face à l'agression culturelle dont nous sommes les principaux complices pour ne pas dire les acteurs. Notre ouverture mal guidée va inéluctablement vers la rencontre d'anti- valeurs avec nos nouveaux habits d'emprunt d'autant plus ridicules qu'ils nous donnent l'image d'individus hybrides, en errance dans un désert culturel accablant. Triste destin d'une culture tant exaltée par ce même Senghor, Césaire et Soyinka. ABDOUL AZIZ TALL Conseiller en Management, MBA.HEC Montréal. Diplômé en sciences politiques de l'Université de Montréal Abdoulaziz95@orange.sn

  • Commentaires

    1
    ass kebe
    Mercredi 9 Janvier 2008 à 17:06
    douha ou
    yal nangou ko yala fayal amin
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